Meru Puri de Matsuri Hino

Publié le 13 Mars 2013

Meru Puri de Matsuri Hino

Parce que visiblement il y en a qui rêvent encore du prince charmant.

Titre: Meru Puri (abréviation de Märchen Prince)

Manga-ka: Matsuri Hino

Date de publication au japon: 2003

Statut de la série: Terminée

Statut de ma lecture: Terminée

Nombre de tomes parus: 4

Editeur: Panini Manga

Niveau d'appréciation: lisible

Airi est une adolescente de 15 ans que l'on ne peut pas qualifier autrement que de niaise. Sa série favorite s'appelle « Le mariage dans la prairie », elle ne rêve que du grand amour, et a déjà planifié sa merveilleuse vie de famille à partir de ses 20 ans jusqu'à sa mort. Or, un jour, un enfant, qui n'est autre que le prince Alam tout droit venu d'un royaume merveilleux, sort de son miroir. Celui-ci a été victime d'un mauvais sort qui le transforme en séduisant jeune homme sitôt qu'il se trouve dans l'obscurité. Réalisation d'un rêve d'enfant ? Pas pour Airi qui voit plutôt en cette apparition un dangereux obstacle à ses projets de vie de famille planplan. A raison, car les ennuis auxquels le prince avait échappé en venant dans ce monde comptent bien l'y poursuivre...

La fournisseuse officielle des shôjo critiqués sur ce blog pour le meilleur () et pour le pire (ici) m'a de nouveau prêté un manga par l'auteur de Vampire Knight (une des nombreuses œuvres qui a participé à la mort du vampire dans la pop-culture). Lequel n'a, soyons francs, aucun intérêt si ce n'est de me permettre d'inaugurer une nouvelle petite tête dont je commençais à douter de l'utilité. Meru Puri n'est donc pas un chef d'œuvre, mais il n'est pas non plus si mauvais, voyons donc pourquoi.

/!\ Attention, risques d'avalanches de niaiserie /!\

Pour commencer qu'est-ce qui ne va pas dans ce manga ?

Il est niais. Affreusement niais, abominablement niais. De la niaiserie comme seules les shôjo manga-ka et les pires Disney peuvent nous en vendre. Que ce soit l'idée de base du scénario, l'héroïne, la mise en scène ou l'univers TOUT EST NIAIS.

Commençons par l'héroïne. Avoir pour seul but dans la vie de trouver le grand amour ne me semble déjà pas être un très bon exemple à donner à de jeunes lectrices qui ne vont pas tarder à découvrir que la réalité des sentiments humains est infiniment moins réjouissante qu'un épisode de Barbie princesse. Vouloir fonder une famille avec l'heureux élu est déjà un chouilla plus défendable, il faut bien reconnaître qu'il y a beaucoup de femmes dont c'est, aujourd'hui encore, la principale aspiration... Mais lorsqu'Airi décrit en détail la manière dont elle s'imagine chaque épisode de sa vie de couple et comment ces derniers collent exactement aux épisodes de sa série préférée, qui est déjà présentée comme d'une incommensurable niaiserie... CA FAIT FROID DANS LE DOS.

Cette fermeture d'esprit atteint d'ailleurs un tel niveau que dés le début on comprend assez vite que sa vie se résume à des rituels: Arriver à l'heure tous les jours parce qu'il paraît que cette ponctualité porte chance dans la vie amoureuse, regarder tous les jours les épisodes de sa série préférée, parler aux même gens, etc, etc. Et loin de l'ennuyer, cette monotonie plait à l'héroïne. A un tel point que lorsqu'Alam vient déranger un peu ses habitudes, c'est la panique totale. Prouvant bien que la jeune fille n'a AUCUN esprit d'aventure. Trait que je trouve récurrent et agaçant chez les héroïnes de shôjo et certains héros de manga en général, surtout quand leur vie d'avant n'était ni confortable, ni intéressante.

Un jour les Japonais arrêteront de fantasmer sur le Moyen Orient, mais pas aujourd'hui.

Dans l'univers du manga, pour une raison qui m'est totalement inconnue, tout éclaircissement est d'ailleurs le bienvenu, le Moyen Orient, ou plutôt devrais-je dire dans ce cas l'Empire Perse des Mille et une nuits, fait énormément rêver. Il en va de même pour l'Europe du 19ème siècle; mais déjà comment peut-on ne pas aimer le 19ème siècle, et ensuite cela s'explique par des raisons historiques. Du coup le monde magique d'où vient Alam est un joyeux mélange d'Angleterre Victorienne et de Royaume des Mille et une nuit ponctué de ci de là par un château fort. L'univers, en plus d'être foutraque, est surtout vu, revu, rerevu, et autant de fois corrigé. On sent qu'il est un énorme prétexte pour un déluge de tenues « trop belles » et de situations « trop gênantes » puisqu'évidemment un bon univers d'inspiration Orientale ne le serait pas totalement sans un peu de polygamie, de misogynie et/ou machisme.

Martine et la narration clichée.

Bien sûr il ne faut pas non plus attendre grand chose de la narration qui suit TOUS les codes du shôjo traditionnel. Le harem inversé, l'héroïne toute mimi meugnonne pleine d'amour et de compassion pour son prochain et irrépressiblement attirantes aux yeux des habitants du monde magique, l'absence totale de gens laids, et l'omniprésence de nobles. Dans les évènements/retournements de situations infiniment clichés on peut également citer, désolé pour le spoil: Une perte de mémoire (encore), l'apparition subite d'une fiancée venue d'on ne sait où (encore), un voyage scolaire à la mer (encore), le passage de tous les personnages par la classe de l'héroïne dans l'indifférence générale (encore), l'apparition à demi-nu du bishônen convoité par l'héroïne (encore) et enfin le port d'une tenue de maid par cette dernière (toujours). Un jour je vais vraiment finir par faire une grille de loto avec ces éléments. Le seul cliché auquel on échappe est celui de l'ami(e) d'enfance et encore, seulement à moitié car il est ici avantageusement remplacé par... Le président du conseil des élèves, qui connait l'héroïne depuis longtemps vu qu'elle est vice-présidente !

La mise en scène va de paire avec cette narration gnangnan au possible. Vous aurez droit ici à tous les clichés du shôjo dont vous avez déjà écopé dans des milliers d'autres manga.

De beaux ratages dans les relations entre personnages.

Pour ne rien arranger, les relations entre personnages sont souvent traitées de façon très bancale. Partant pourtant de bonnes idées, la manga-ka ne les développe jamais. Faute de temps ? A cause des éditeurs ? Pour rester dans un ton comique et léger ? On n'en sait trop rien. Toujours est-il que l'explication de la rivalité entre Alam et son frère est ridicule au possible alors qu'elle est quand même le point de départ du manga et qu'elle aurait pu être justifiée par une histoire, si ce n'est tragique, du moins réellement poignante. On peut en dire de même pour plein d'autres personnages, régulièrement la manga-ka emprunte des pistes intéressantes qu'elle abandonne aussitôt ou ne développe jamais. Alors qu'il y a aurait parfois réellement matière au drame, particulièrement dans les derniers tomes. On voit d'ailleurs dans le tome 4 certains personnages qu'il aurait été opportuns de faire apparaître plus tôt si l'on voulait créer une tension dramatique avec eux.

A en juger par tout ce que je viens de dire, ce manga mériterait largement le « oh god why » dont j'ai estampillé « Alice au royaume de coeur » *tire à bout portant sur les patrons du studio Quin Rose* ou au moins le « ouais bof » d'Hana Yori Dango. Pourtant ce n'est pas le cas. Qu'est-ce qui a fait que ce manga m'a plus laissé indifférente qu'énervée ? Voici quelques éléments de réponses.

On ne se prend pas aux sérieux quand on fait un manga intitulé Meru Puri.

Contrairement à « Hana yori dango » qui vendait avec son titre une leçon de vie ; ou à « Alice au Royaume de cœur » qui racolait éhontément les fans de Lewis Carroll en exhibant du lapin blanc, Meru Puri ne prétend pas être ce qu'il n'est pas. Rien qu'au titre, on sait que l'on n’a aucune chance d'être trompé sur la marchandise. Meru Puri est l'abréviation de Märchen Prince que l'on peut traduire par Prince de Conte de Fée ou Prince charmant. L'on sait donc dés le début quel va être le propos du manga. Il ne nous reste plus qu'à passer tranquillement notre chemin si on n’a pas envie de se farcir un déluge de nœuds et d'arcs-en-ciel, le tout avec la certitude de n'avoir rien raté.

Ensuite la manga-ka joue par moment assez finement la carte de l'auto-dérision, à travers l'héroïne notamment. La même qui sous un certain angle apparaît comme la dernière des gourdes, sous un autre ressemble à une caricature assez réussie. En effet la manga-ka n'hésite pas à se moquer allègrement de la bêtise d'Airi. Si elle la valorise sur d'autres points, elle s'en moque réellement lorsqu'il s'agit de son obsession. Le titre même de la série qu'elle regarde est une énorme blague, lorsqu'elle en décrit un épisode on ne peut s'empêcher de pouffer de rire, et son fanatisme pour cette série confine au ridicule.

Le rythme du manga joue également beaucoup. En premier lieu c'est un manga COURT: Il ne fait que 4 tomes (dont un tome de trop à mon avis). Clairement pensé comme un simple divertissement on y trouve de nombreux gags, dont certains plutôt réussis, ainsi qu'un rythme enlevé et léger. Il est assez rare que la manga-ka se complaise réellement dans le pathos de ses personnages sans le contre balancer par un gag pour nous rappeler qu'il ne s'agit pas d'un manga sérieux, ni cherchant à l'être. Cette honnêteté rend déjà tout le reste bien plus supportable.

Un shôjo pas si gnangnan.

Mine de rien, la manga-ka parvient à faire passer à travers ce manga pourtant sans grandes visées didactiques quelques messages assez important à l'intention du lectorat concerné.

Votre vie ne sera pas comme vous l'imaginez, et ce n'est pas grave. En effet, spoiler, JAMAIS Airi ne réalise son rêve d'une vie de famille sans soucis avec l'homme parfait dans une maison non moins parfaite. Au lieu de cela elle tombe amoureuse d'un prince capricieux, bien plus jeune qu'elle et venu d'un autre monde... Ce qui ne l'empêche pas d'être heureuse ! Au contraire cela lui permet même de gagner en ouverture d'esprit. Pour autant la manga-ka ne se moque pas totalement des aspirations de son héroïne, ce qui m'amène au point suivant.

Vous n'avez pas à rentrer dans un moule. En effet Matsuri Hino souligne bien que ce qui ne va pas dans le rêve d'Airi c'est surtout qu'il correspond à un modèle reprit tel quel et qui ne laisse non seulement aucune place aux aléas de la vie mais également à la personnalité de la jeune fille. Cependant, la manga-ka ne remet en doute ni sa volonté ni même le bien fondé de son rêve de départ, car au final tout ce que veut Airi c'est un amour heureux. Un passage est d'ailleurs éloquent à ce sujet, ce qui mérite bien un petit spoil: Au cours du manga Airi abandonne son obsession pour « Le mariage dans la prairie » et dit « Je dois créer ma propre histoire. ». On pourrait étendre cette petite phrase à tous les types de relations amoureuses aussi étonnantes soient-elles: En matière de sentiments et de vie de couple il n'y a pas de modèle parfait à suivre, on crée soi-même le bonheur qui nous convient.

Dernière leçon importante, vous n'êtes pas vos ancêtres. Une des intrigues secondaires du manga implique une lointaine ancêtre de l'héroïne, à laquelle elle ressemble comme deux gouttes d'eau (cliché), et qui se serait enfuit du royaume magique il y a des siècles. Or si tout le monde dans le manga s'évertue à faire des parallélismes entre les deux femmes, la finalité est qu'elles sont TRÈS différentes et qu'il n'y a aucune raison pour que la plus jeune souffre des choix de son ancêtre.

Pas mal pour une histoire de prince en 4 tomes, non ? A cela vient s'ajouter un autre point important concernant la narration.

Parce que TOUT LE MONDE n'est pas obligé d'aimer l'héroïne.

Si au prime abord on a l'impression que l'entourage de Airi est fait exclusivement de beaux mecs qui lui tournent autour et qui ne voient qu'elle dans leur vie, un peu comme dans Alice au Royaume de Cœur, en réalité les liens d'attractions/répulsions sont bien plus intelligents.

En premier lieu les personnages ne sont pas figés dans leurs sentiments pour Airi: certains personnages qui l'aiment au début se mettent à la détester au cours du manga tandis que des prétendants de transforment en amis, ou que des personnages à priori neutres deviennent de vraies ordures, le tout avec une certaine vraisemblance. Je dirais même qu'Airi développe assez vite un don pour se mettre les gens à dos plus que pour se faire aimer d'eux...

Les inimitiés ne sont d'ailleurs pas uniquement liées à la jalousie d'autres femmes ou au refus d'avances de la part de l'héroïne, comme souvent dans les shôjo. Cette dernière est en effet par moment perçue comme une menace à l'échelle politique, voire comme quelqu'un de fondamentalement mauvais. Et même si les personnages en question se trompent, le fait est que c'est ce qu'elle inspire à certain. On est bien loin de l'héroïne parfaite qui n'évoque que la joie et l'amour dans les yeux de ceux qui la regardent.

Si bien que pour le coup Airi se retrouve face à de vrais antagonistes, réellement dangereux et doit surmonter des obstacles réels qui n'ont pas été seulement causé par sa bêtise ou qui ressemblent à des prétextes.

Cliché, mais beau.

Le dessin enfin participe à la fois à la qualité du manga et à sa dépréciation. Il est en effet extrêmement cliché, on pourrait en prendre n'importe quelle page au hasard pour expliquer ce qu'est le style shôjo à un néophyte. L'on y trouve à peu près tous les effets de trames utilisé par les shôjo manga-ka depuis la naissance du genre, le découpage des cases dont j'ai parlé un peu plus en amont n'est absolument pas original, et comme dans tous les shôjo manga, vous pouvez l’ouvrir n'importe où vous tomberez sur un plan serré du visage d'un personnage avec des trames en arrière plan et une bulle décrivant ses sentiments du moment. Sans parler des combats que la manga-ka contourne dés que possible.

Pour autant, il faut admettre que Matsuri Hino dessine bien. Vraiment. Son trait est élégant sans sembler fragile, les proportions de ses personnages ne semblent pas aberrantes, même lorsqu'elles le sont un peu quand même, elle maîtrise bien le mouvement et très bien le volume. Certaines cases/pages sont vraiment belles, et le traitement du tissu et de la lumière y est toujours superbe. Bah ouais on peut se permettre de se la jouer Mille et une nuit victorienne quand on maîtrise parfaitement les drapés. Du coup cela devient un vrai plus car même lorsque l'on tombe sur une scène totalement naze scénaristiquement, il nous reste toujours la joie de contempler un beau dessin.

Conclusion:

Les qualités et les défauts du manga finissant par s'équilibrer, je ne sais pas trop quoi en dire. Si vous aimez le shôjo, je ne vous le déconseille pas, c'est un divertissement de 4 tomes drôle et peu onéreux. Si en revanche vous avez dans votre chambre un portrait de Candy qui vous sert de cible d'entrainement lorsque vous vous exercez au lancé de couteau... Passez votre chemin.

Je vous avais dit que c'était cliché.

Je vous avais dit que c'était cliché.

Rédigé par Nocturne

Publié dans #shoujo, #mangas tous publiques

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U
Ce manga je l'apprécie parce qu'il n'est pas prise de tête. Mais je m'énerve assez souvent en le lisant, car certains dénouement ne conviennent pas, tel ou tel acte est inutile. Je pense que j'apprécie surtout le dessin, c'est ce qui m'a permis d'accrocher à ce manga. L'histoire est vraiment basique dans sa petite fantaisie fantastique, mais avec les passages ridicules et réellement humoristiques, ça passe assez bien. :)
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