Koe no katachi de Oima Yoshitoki

Publié le 31 Juillet 2014

Koe no katachi de Oima Yoshitoki

Venez pleurer avec nous ! \o/

Titre: Koe no katachi

Manga-ka: Oima Yoshitoki

Date de publication au japon: 2013

Statut de la série: en cours

Statut de ma lecture: en cours

Nombre de tomes parus: 6

Lorsqu'il était en primaire, Shoya Ishida était un petit con. Prêt à n'importe quoi pour tromper l'ennui et s'attirer la sympathie des autres élèves. Aussi, lorsque Shouko Nishimiya, une élève sourde, arrive dans sa classe, il la voit comme une occasion de s'amuser, et très vite cela se transforme en harcèlement appuyé par toute la classe... Jusqu'au jour où les choses se retournent contre lui et Shoya est lui-même harcelé. Shouko est transférée dans une autre école et les chemins des deux enfants se séparent. Des années plus tard, alors qu'il est au lycée, il décide de retrouver la petite fille d'alors pour s'excuser. Mais les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu.

Vous l'avez sans doute remarqué, je ne suis pas du tout versée dans les manga non fantastiques... Dit elle après avoir fait des critiques élogieuses de Aku no hana, Sora Log, Honey & Honey, Is, etc. U_U" Voici donc une nouvelle exception pour compléter cette longue liste... Et quelle exception puisqu'il s'agit tout de même d'un manga primé que j'ai découvert grâce à une amie qui l'a présenté comme suit:

… Vous savez maintenant à quoi vous en tenir.

Par contre je me dois de vous prévenir ce manga parle de harcèlement scolaire, de violences validistes (oppression des handicapés par les valides) et de suicide. Cette critique abordera donc également ces sujets.

POV matters

Honnêtement quand j'ai vu que le héros de ce shônen (oui c'est un shônen, comme quoi vous constatez comme moi que la classifications des manga en fonction de la cible éditoriale devient de plus en plus arbitraire et infondée) était le harceleur, j'ai eu un peu peur. En effet traiter de la violence dans un manga en prenant le point de vue de l'oppresseur donne rarement des résultats heureux. Trop souvent les manga-ka trouvent des excuses à ces derniers et essayent de nous les rendre sympathiques sans jamais remettre profondément leurs actions en question ce qui donne une pelleté de yaoi et des horreurs tel que «Asa mo, hiru mo, yoru mo ». Mais Oima Yoshitoki ne tombe pas du tout dans ce travers. Elle explique les raisons des actes de son personnage principal mais ne le pardonne pas pour autant, et surtout elle traite très bien les différents point de vues de chacun de ses personnages.

J'étais surprise de ne quasiment pas connaître ce que pense Shouko de toute cette situation avant très tard dans le manga. Et au début je l'ai mal pris, me disant que la manga-ka n'accordait décidément pas assez d'importance au personnage qui devrait en bénéficier le plus. Mais lorsqu'on l'apprend enfin c'est absolument poignant et nous permet de réellement comprendre le personnage qui est en réalité infiniment plus complexe que son aspect et comportement de Yamato Nadeshiko ne le laissent croire.

Un traitement réaliste de la violence et du validisme.

Ce point de vue original permet à la manga-ka de nous livrer sur le harcèlement une réflexion plutôt intéressante, car finalement qu'est-ce qui pousse les gens à harceler ? Comment des enfants ou des êtres humains en général peuvent faire preuve d'autant de violence ? Et la réponse que nous propose Oima Yoshitoki est à la fois implacable, extrêmement logique et à des années lumières des discours conservateurs que l'on peut lire, à mon sens, dans bien trop de manga. Oima Yoshitoki ne dit pas que Shoya et sa classe harcèlent parce qu'ils sont jeunes ou qu'ils sont bêtes, elle ne rejette pas la faute sur un seul personnage mais met bien en exergue un système, une déshumanisation à laquelle la société entière participe et contre laquelle seules quelques personnes se dressent, souvent dans la douleur. Si Shouko est traitée comme elle l'est, c'est bien parce que les gens ne la voient pas comme leur semblable mais comme une créature extérieure et gênante qui perturbe leur quotidien. Or c'est un traitement auquel elle n'échappe finalement jamais vraiment de part son handicap. Et ça c'est un autre point intéressant soulevé par le manga.

Je suis valide, donc je suis très mal placée pour parler de handicap. Mais déjà la présence d'un personnage réellement handicapé dans un manga est suffisamment rare pour être mentionnée. Du reste contrairement à des catastrophe comme « Asa mo hiru mo yoru mo » la violence à laquelle Shoya fait face et celle à laquelle Shouko fait face ne sont pas traitées de la même manière. On voit bien que d'un côté on a un personnage qui souffre mais qui bénéficie encore d'un certain nombre de privilèges et de l'autre une personne en situation de handicap, et donc qui souffre d'une oppression liée à cela. Shoya peut échapper à son passé de harceleur, s'il n'en parle pas par exemple, ça finit toujours par revenir dans sa vie, mais avec un délai. Shouko ne peut pas cacher son handicap. Quoi qu'elle essaye de faire pour le contourner, et s'intégrer, les valides la rappèlent toujours à sa place: ça n'est jamais assez. Elle est toujours considérée comme une gène, une charge par les valides parce qu'ils ne veulent absolument pas dévier un temps soit peu de leur quotidien. De même ce que vit Shoya ne dépasse pas vraiment le cadre scolaire, il est le seul à en souffrir et chez lui il bénéficie d'un environnement plutôt sûre. Shouko, c'est tout son entourage qui est affecté par la violence validiste dont elle est victime. Moins quelle évidemment, mais c'est un poids non négligeable. Et pire encore, l'entourage proche de Shouko perpétue parfois cette violence. D'ailleurs Shoya est conscient de la différence qui existe entre ce qu'ils vivent tous les deux.

Tout ça pour dire que la manga-ka ne fait jamais de comparaisons frauduleuses entre ce que vivent ses deux personnages principaux. Et grand dieu MERCI.

Venez on parle de suicide. Je veux dire VRAIMENT.

Autre sujet que ce manga aborde avec brio c'est le suicide.

Personnellement j'ai toujours été assez ahurie par tous ces personnages qui vivent des choses absolument abominables les unes après les autres et qui à aucun moment ne pensent à en finir. Et aussi par comment les rares fois où c'est plus ou moins le cas, on le leur fait payer en les faisant passer pour des irresponsables. C'est vrai que le shaming quand tu veux mourir c'est TELLEMENT efficace. -_-

Du coup là j'ai été agréablement surprise quand la manga-ka a dépeint cette réalité. Ses personnages ne sont pas infaillibles et ne se raccrochent pas à la vie « parce que la vie c'est merveilleux tavu. *3* » Si elle montre bien que ses personnages, et donc les lecteurs/trices qui s'identifieraient à eux, changent pour le mieux la vie des personnes autour d'eux et blesseraient des gens en s'en allant, elle ne se moque pas d'eux ou ne les juge pas pour autant et montre bien que ce n'est pas un simple caprice qui pousse les gens au suicide. Finalement la manga-ka fait preuve d'une réelle empathie envers ses personnages suicidaires et je crois que vous n'imaginez pas à quel point c'est rare.

J'aimerais vous en dire un peu plus, mais ce serait vous spoiler tout le manga alors bon, voilà. 83

Une galerie de personnages diversifiée et intéressante. Ou, It's RAINING GIRLS HALLELUJA !!

Autre gros point fort de Koe no katachi, c'est sa galerie de personnages. Certes, il y a le duo de base très hétéronormé un garçon, une fille. Sauf que la fille en question est sourde ce qui en terme de représentation est déjà très important, et de plus si elle a l'apparence d'une Yamato Nadeshiko, Shouko est en réalité infiniment mieux écrite que cela. Et surtout il y a une pléiade de personnages « « « secondaires » » » qui ne le sont en fait pas du tout et qui sont très intéressants et divers.

C'est d'ailleurs en lisant les commentaires totalement débiles sur mangafox:

Et encore, vous avez pas vu le thread en entier. -_-"

Et encore, vous avez pas vu le thread en entier. -_-"

Que j'ai réalisé à quel point le cast de ce manga était différent: Il est publié dans un magazine shônen, et pourtant les trois quart des personnages sont des femmes et aucune n'est fanservice. Le manga passe en effet haut la main le test de Bechdel. Il compte pas moins de 6 personnages féminins nommés dont une androgyne, et une avec un physique et un look plutôt étonnant: grande et fine avec une coupe garçonne et de hauts talons. Et ça. En réalité c'est essentiel. On laisse une femme, dessiner des femmes réalistes et parler d'histoires de femmes dans un magazine destiné à un public masculin. La portée du truc est absolument monumentale.

Du reste, on compte aussi un personnage gros avec les cheveux bouclés et même une métisse (bon c'est un bébé, mais quand-même. XD).

Au niveau du tempérament et de l'alignement moral, là aussi on a une réelle diversité et une impressionnante justesse. Il n'existe clairement pas de méchants ni de gentils dans ce manga mais des gens en situation de pouvoir et des victimes. Or la manga-ka semble clairement prendre le parti des victimes. Les oppresseurs ne sont pas déshumanisés et dénués de problèmes au contraire il est tout à fait possible de se reconnaître en eux, mais encore une fois on sent la différence entre les problèmes des uns et des autres et ce à quoi ils ont du faire face ou non.

La beauté.

Pour ce qui est du dessin et de la mise en scène... Je trouve ce manga magistral. Le dessin de Oima Yoshitoki est très beau à mi-chemin entre shônen et seinen très dynamique et gracieux rendant parfaitement le mouvement et les émotions.

Pour ce qui est de la mise en scène en elle-même outre une maîtrise parfaite de la planche et du timing, la manga-ka regorge de bonnes idées de mise-en-scène et de métaphores visuelles.

Cette histoire de croix dure tout au long du manga, et c'est assez magique je dois dire.

Cette histoire de croix dure tout au long du manga, et c'est assez magique je dois dire.

Si bien, qu'il y a en fait pas mal de choses qui ne passent pas par la parole, ce qui est logique quand on y pense, et relire le manga permet de découvrir pleins de détails intelligents et subtiles qui ne nous avaient un peu échappé à la première lecture. Le dessin retranscrit vraiment bien l'énorme charge émotionnelle qui sous-tend tout le manga et participe activement à te faire pleurer ta famille à chaque tome. 83

CE MANGA EST-IL LA CHOSE LA PLUS PARFAITE DE TOUS LES TEMPS ? (Spoilers: Pas loin.)

Y'a un truc que je regrette tout de même un petit peu c'est que justement les personnages comme Nagatsuka Tomohiro ou Maria (mais bon Maria c'est encore qu'un bébé) soient un peu trop traités comme des ressorts comiques. Mais ils sont déjà en réalité très bien traités, Tomohiro est certes drôle mais il est aussi intéressant, intelligent, émouvant et a des aspirations qui lui sont propres, ce serait juste cool d'en parler plus souvent c'est tout. XD

Whoua j'en reviens pas à quel point ce manga est cool et safe pour que ce soit ma seule vrai critique dessus. XD

Conclusion:

Un manga très émouvant, juste et beau qui parle de beaucoup de choses avec beaucoup de talent.

LISEZ-LE.

Koe no katachi de Oima Yoshitoki

Rédigé par Nocturne

Publié dans #mangas tous publiques

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