Paperweight Eye Takazawa Kouji and Sakamoto Mano

Publié le 20 Mai 2014

Paperweight Eye Takazawa Kouji and Sakamoto Mano

Parce que les poupées ne faisaient déjà pas assez peur comme ça...

Titre: Paperweight Eye

Manga-ka: Takazawa Kouji (scénario) Sakamoto Mano (dessin)

Date de publication au japon: 2011

Statut de la série: terminée

Statut de ma lecture: terminée

Nombre de tomes parus: 2

Marie est une artiste. Créatrice de poupée émérite, lors de sa première exposition, elle fait la rencontre d'un personnage inquiétant... Qui la fait prisonnière d'un manoir gothique en compagnie de toutes ses précédentes créations. Lesquelles, pour son plus grand malheur, ont pris vie.

Une fois encore, c'est la frustration qui me pousse à écrire une critique. Et pour que je m'acharne sur un manga de deux tomes, c'est que la déception fut grande. VRAIMENT GRANDE. Comme il s'agit d'un manga très court, il m'est impossible de faire une critique constructive sans vous spoiler, donc n'hésitez pas à le lire avant.

L'artiste et ses démons.

Peut-être le fait que je dessine moi-même y est pour quelque chose, mais je dois dire que le postulat de départ du manga m'a particulièrement plu. Avoir une artiste comme personnage principal m'attire immédiatement et ouvre beaucoup de possibilités. La réflexion à ce sujet est d'ailleurs vraiment pertinente. J'ai l'impression que souvent dans les manga l'art est un prétexte. Il sert soit à montrer combien la personne est douée ou mauvaise, soit à exprimer les sentiments d'un personnage autrement. J'ai souvent lu des passages de manga du genre: « Le tableau d'un tel est si triste, il doit se sentir triste », mais à aucun moment on ne verra vraiment le tableau en question et c'est finalement assez secondaire.

Pas dans Paperweight Eye.

Là, les œuvres de Marie, ses poupées, font vraiment partie du manga puisqu'elles ont un design qui leur est propre, et que j'adore, par ailleurs. Ainsi le/la scénariste et la manga-ka sont réellement parvenus à créer une artiste dans l'oeuvre.

De plus, le lien entre l'artiste et sa création est intelligemment traité puisque chaque poupée renvoie à un événement traumatique de la vie de Marie qu'elle a cherché à exorciser à travers son art. Si ce n'est évidemment pas le seul rapport que l'on puisse avoir à ses créations, c'est l'un d'entre eux et ça permet de plonger dans la psyché du personnage d'une manière originale. Qui plus est, ce manga montre bien le rapport parfois ambigüe de l'artiste à l'oeuvre, puisque Marie n'aime pas ses créations, vu que, pour la plupart, elles sont un concentré de ses peurs qu'elle cherche à fuir à tout prix... A raison, car celles-ci ne lui veulent pas du bien non plus.

Pour ce qui est du schéma de la romance classique, celui-ci est également pas mal amoché au début du manga. En effet le bishônen de service, à savoir Kahrel, n'a ici rien de séduisant et serait même plutôt un dangereux psychopathe.

Paperweight Eye Takazawa Kouji and Sakamoto Mano

Sa première apparition est terrifiante, et la manière dont il passe d'un adorable gentleman à un fou dangereux d'une case à l'autre a de quoi donner des sueurs froides. Et honnêtement je trouve vraiment intéressant le rapport qui s'établit entre Marie, lui, et les poupées. Marie devant perpétuellement osciller entre rébellion et apparente résignation pour couvrir sa fuite et garantir sa survie.

De même, l'atmosphère du manoir est sincèrement angoissante, puisque Marie ne parvient pas à y distinguer ses alliés de ses ennemis. On est bien loin d'un Alice au royaume de cœur où l'atmosphère stressante, en apparence, n'était qu'un prétexte.

Damn you sexism ! D8<

Le problème c'est que le schéma classique qui avait été dynamité au début revient en force à la fin du manga. Ainsi entre deux discours pseudo-inspirés sur le divin et le pouvoir, que je trouve aussi longs que creux, Kahrel reprend sa place de beau jeune homme protecteur. C'est pas du tout crédible, mais on s'en fiche, le monsieur doit sauver la madame ! Comme si ce n'était pas suffisant, il faut en plus que ce soit un ami d'enfance *décapite un chaton*.

Résultat, d'un point de vue scénaristique la fin est assez moyenne et d'un point de vue féministe, elle est carrément pourrie.

En effet aussitôt dans le manoir, on entre dans une violence genrée. D'un côté, on a Kahrel un homme manipulateur abusif, cruel et violent, et de l'autre, Marie et ses poupées. Le seul soutien permanent de Marie étant sa dernière création, une poupée féminine. Tout comme l'autre alliée qu'elle se fait. Les poupées les plus violentes à son égard sont masculines, à l'exception notable de Kranken, pour d'autres raisons... Ainsi l'histoire résumée très simplement pourrait être la lutte entre Kahrel et Marie. Elle désirant sa liberté et retrouver sa famille, et lui désirant « un être humain ».

Sauf qu'à la fin l'« héroïsme » de Kahrel, le fait que, comme il l'avait prévu, Marie évolue et parvienne à créer un être humain grâce à lui, puis qu'il finisse par prendre soin d'elle, en fait le gentil de l'histoire et justifie par la même toutes ses précédentes actions. La vierge sacrificielle, au sens le plus littéral du terme, que devient le personnage de Marie, n'arrange rien sur l'interprétation que l'on peut faire du manga…

Car faire passer un personnage masculin horrible pour un protecteur sous prétexte que « mais non regarde il est gentil au fond » non seulement c'est vu et revu depuis la belle et la bête, mais en plus donne une image des relations hommes/femmes assez terrifiante. On est pas loin de l'idée que si un homme te fait du mal c'est pour ton propre bien... Idée ô combien toxique et dangereuse dans une relation.

Vous allez vous demander à quelle moment j'ai perdu la raison en lisant ce manga pour faire une comparaison pareille, mais en terme d'émancipation des femmes, je trouve que la fin de Paperweight Eye est à l'opposée directe de celle d'Hellsing (Bam, DOUBLE SPOIL AHEAD !). Dans l'oeuvre de Kohta Hirano, le manga se termine sur deux femmes en position de pouvoir (trois même si on compte Henkel) et un personnage masculin franchement affaibli. Paperwheigt Eye se termine sur deux personnages masculins en position de pouvoir (ou du moins dans un état normal) qui doivent veiller sur un personnage féminin, considérablement affaibli.

Cette faiblesse est d'ailleurs l'image qui est donnée des femmes tout au long du manga. Marie ne parvient pas à utiliser son don sans l'aide d'un protecteur (Ise-sensei puis Kharel, deux hommes donc), et tous les plans qu'elle met en place, en compagnie d'autres femmes, échouent.

Heaven to hell

Pour ce qui est du dessin, j'avoue avoir eu un méchant coup de cœur pour le trait de Sakamoto Mano. Son dessin très expressif à la fois moderne et emprunt d'une touche de shôjo classique (dans le sens manga des années 70), délicat et un chouilla brouillon par moment, m'a énormément plu. D'autant plus qu'elle sait vraiment donner à ses personnages un air cruel et jouer sur la subtilité de leurs expressions. Comme je le disais précédemment, le design des poupées et des personnages en général est également de toute beauté. Si bien que le dessin fait vraiment corps avec le scénario. Seulement à la toute fin du manga... Patatra.

Spoiler, en gros quand enfin Marie crée l'être humain que lui demande Kahrel... Bah c'est une grosse blague. Sérieusement, c'est censé être le nœud de l'histoire, et pourtant en la voyant ça a déclenché une crise de fou-rire irrépressible.

Conclusion:

Un manga qui commence très bien et qui se vautre pathétiquement au dernier chapitre. En deux tomes, c'est moche.

Et on essaye de nous faire passer ÇA pour le gentil de l'histoire ?

Et on essaye de nous faire passer ÇA pour le gentil de l'histoire ?

Rédigé par Nocturne

Publié dans #mangas psychologiques, #mangas raisonnablement gores

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