Reversible Man de Nakatani D.

Publié le 8 Août 2014

Reversible Man de Nakatani D.

Le manga qui murmure à l'oreille des pervers.

Titre: Reversible man

Manga-ka: Nakatani D

Date de publication au japon: 2011

Statut de la série au Japon: Terminée

Statut de la série en France: En cours

Statut de ma lecture: En cours

Nombre de tomes parus au Japon: 3

Nombre de tomes parus en France: 2

Editeur: Komikku

Un peu partout au Japon sont retrouvés des cadavres humains atrocement mutilés. Tous retournés comme des gants. Dans le même temps, la criminalité augmente d'une manière spectaculaire et les légendes urbaines les plus folles fleurissent. Tous ces événement seraient-il liés ?

Ce manga m'a été conseillé par ma mère (qui est une fan de manga d'horreur et d'angoisse, ne vous en déplaise) qui me l'a vendu comme LE MANGA A SUSPENS ULTIME C'EST TELLEMENT GENIAL TU NE POURRAS PLUS DORMIR AVANT QUE LE TOME 3 SORTE !!... Bon j'exagère un peu mais vous saisissez l'idée. Malheureusement ce manga, sans m'avoir vraiment déçu, me laisse plus pensive qu'accro, voilà pourquoi.

Attention cette critique contient moult viscère, de la perversion sexuelle, et parle de viol.

Flesh for fantasy

Je suis une fétichiste. Ce n'est un secret pour personne et je crois assimiler les fétichisme des uns et des autres avec autant d'aisance qu'un métamorphe assimile l'apparence des autres pokémons. Et clairement ce manga est entré en communication DIRECTE avec cette partie de ma psyché. J'avais déjà parlé de l'ero-guro à l'occasion de ma critique de Litchi Hikari Club. Et si ce manga n'est pas de l'ero-guro, il en reprend clairement des codes. Que ce soit de par son extrême violences suivies d'images érotiques, ou ses scènes violentes elles-même érotisées, ainsi que par une profusion proprement hallucinantes d'organes internes et de métamorphose de ceux-ci qui n'est pas sans rappeler l'esthétique célèbre des films gores japonais des années 2000. Si vous avez passé un peu de temps sur internet vous avez forcément vu passer au moins un gif de ces films, sinon, je vous invite à googler The Machine girl, Tokyo Gore Police et autres Mutant Girls Squad: Préparez-vous à une grosse crise de fou rire, pas mal de jeunes filles en uniforme, et beaucoup BEAUCOUP de tripailles.

Ces références accouchent d'une esthétique qui a clairement son charme. Le trait de Nakatani D est très beaux, réaliste et détaillé (bien qu'un poil rigides à mon goût) et les dessins de corps mutilés et transformés ainsi que de viscères aux quatre vents sont de toute beauté. Les personnages eux-même ont d'ailleurs un design très cool. Tous ces jeunes hommes tatoués/percés et mutilés ne pouvaient QUE me plaire.

De l'importance d'être constant

Tout ça pour dire donc que l'univers de Reversible man est très référencé et que ces références ne sont pas « sérieuses ». Je ne parle pas de la qualité des films ou des codes de l'ero-guro en général (genre qui est parfois extrêmement tragiques) mais plutôt de l'atmosphère qui se dégage de ces œuvres. Vous n'allez pas me dire que ça c'est la marque d'un film devant lequel vous allez réfléchir ou pleurer:

Ce court métrage est magnifique. 8'3

D'ailleurs l'humour est un des gros points forts du manga. Et même si je ne peux pas en dire beaucoup c'est un manga d'une manière général plutôt marrant sans être dans la surenchère débile, ce qui est appréciable.

Mais je crois que c'est en fait là que le bas blesse. L'univers est volontairement fun, absurde et décalé mais dans cet univers le manga-ka va tenter de nous faire ressentir de l'empathie et de la tristesse pour certains personnages, délivrer un message social et/ou métaphysiques, voire parler de sujets très graves. Ce ne seraient certes pas les premier à le faire, mais ça demande une maîtrise qu'à mon sens le manga-ka ne possède pas. Son univers au prime abord sérieux devient ensuite complètement gore et loufoque tout en continuant à maintenir son discours sérieux. Ce pourrait être simplement de l'humour ou du seconde degré, mais il est assez clair que ce n'est pas le cas. Les discours en questions sont trop cohérents et on leur accorde trop d'importance pour ça. Si le premier tome maintient un certain équilibre entre les deux, le deuxième part en revanche totalement en vrille. Le résultat est qu'on reste entre deux eaux sans jamais basculer dans le délire fun et léger ni dans l'intrigue sombre et tragique, si bien que ça ne fonctionne finalement pas tellement.

Non aux faux manga sociétaux

Il faudra un jour que je vous fasse la critique de « I am a hero » pour l'encenser, comme tout le monde, et surtout pour vous parler du génie dont le manga-ka fait justement preuve dans sa description de la société japonaises et la manière dont il imagine sa décadence à travers un événement pourtant hors normes, absurde et d'une extraordinaire violence. Toujours est-il que sa description sonne incroyablement juste. Quand Kengo Hanazawa fait parler la population à travers internet et les nouvelles technologies, ce qui est très à la mode d'ailleurs, en plus du ton tragi-comique, c'est surtout d'une grande sincérité. Dans Reversible Man, on a l'impression d'avoir à faire à la même foule d'abrutis congénitaux que dans Prophecy (JE HAIS CE MANGA. JE PENSE PAS L'AVOIR ASSEZ DIT.) dont la présence n'est finalement qu'un prétexte. La rumeur, qui peut être un personnage passionnant en soit, sert ici plutôt deMac Guffin pour faire avancer l'histoire dans la direction voulue. Et après deux tomes je peux vous dire que je ne suis pas très très fan de la dite direction.

Car si on se penche un peu dessus, le concept même du manga transforme les victimes, les marginaux, et tous les gens qui souffrent en général, en méchants à abattre. Et la seule solution que le manga propose pour ces marginaux c'est bien l'éternel et gerbant « pouvoir de la volonté » qu'on te ressort à toutes les sauces. Vous êtes dans la merde et à deux doigts de craquer, est-ce qu'on va vous aider ? Est-ce que quelqu'un va tenter de faire quelque chose pour vous ? NON. Démerdez-vous, et si vous n'y arrivez pas tout seul et finissez pas péter les plombs, LA on viendra vous empêcher de nuire en vous abattant sauvagement. Graphiquement on retrouve d'ailleurs cette dichotomie entre les parias et les héros, ceux qui ont réussi et les autres: Les méchants sont moches, et/ou ridicules là où les gentils sont beaux et/ou classes. (A l'exception notable des femmes qui se doivent d'être belles quelque soit leur camp, mais j'y reviendrai).

VF: Violent Fourvoiement

Il faut dire aussi qu'en terme d'immersion, une sale VF peut faire beaucoup BEAUCOUP de mal même à un bon manga. Peut-être que je m'apprête à frapper lâchement sur des gens qui n'y sont pour rien et que le manga était mal écrit à la base ou qu'il s'agit d'une censure, mais quand des adultes un peu voyous parlent de se faire « couper le zizi » ou que des yakuza disent « maboul » « oh purée » tu sens qu'il y a un problème quelque part. Plus d'une fois le registre de langue est en décalage par rapport au locuteur et le résultat n'est pas heureux.

Une histoire de femmes... Enfin plus ou moins.

Pour ce qui est de l'histoire en elle-même. J'ai été assez stupéfaite par la différence entre la présence théorique des femmes dans ce manga et leur présence réelle. L'héroïne du 1er tome est une lycéenne et deux personnages absolument capitaux dans le second sont aussi des femmes. Elles ont des histoires qui leurs sont propres et qui sont intéressantes et tragiques, et pourtant... Elles sont systématiquement dirigées, motivées, aidées, et/ou secourues par des hommes. Pire encore, les femmes (nommées) du manga ne s'entraident jamais.

Il apparaît clairement que si les héroïnes, celles qui évoluent au cours du manga, sont des femmes: Les personnages principaux sont des hommes. Finalement au cours de ces deux premiers tomes, ceux qui restent suffisamment longtemps pour qu'on s'y attache le plus c'est bien Hachi et Roku. Soit des hommes.

Graphiquement, la représentation des femmes dans le manga est également assez aberrante. Elles sont fanservice (dans les limites du raisonnable) mais surtout, elles se ressemblent toutes. Oo"

On sent bien que lorsqu'elles ont été dessinées l'important n'était pas de faire des femmes diverses avec différents caractères... Mais de faire des femmes jolies auxquelles ont apposeraient un caractère ensuite. Si la même politique avait été appliquée aux hommes du manga, tous les personnages auraient la tête de Roku avec une coiffure un peu différente à chaque fois.

Mais le plus choquant reste peut-être le traitement des violences faites au femme dans ce manga. Non seulement on est par moment pas loin du rape and revenge, fiction parlant d'une femme se faisant violer puis se vengeant d'une manière particulièrement brutale, qui présente de nombreux problèmes. Mais en plus ce manga alimente l'image du violeur comme d'un psychopathe, un fou dangereux facile à identifier. Or ce n'est pas le cas, comme je vous en avais déjà parlé dans « Asa mo hiru mo yoru mo ». Si il existait un profil de violeur type, autre que le fait d'être un homme comme dans 98% des cas, et que celui-ci était aussi effrayant que ce qu'on nous montre dans les fictions, y'aurait peut-être beaucoup moins de viol...

Sans parler de la manière dont est représentée une survivante qui est proprement honteuse. Le manga-ka nous fait en effet ressentir peu d'empathie pour elle en nous la présentant comme cruelle, dangereuse et castratrice, tout en insistant infiniment moins sur ce qui l'a rendu telle qu'elle est que pour quasiment tous les personnages masculins du manga.

Le gentil yakuza et le méchant yakuza

En outre je ne peux pas m'empêcher de trouver ce manga un poil propagandiste (comme beaucoup de manga impliquant des yakuza d'ailleurs).

Je sais que le rapport de la société japonaise à la mafia est un peu compliqué et que par endroit les yakuza n'ont plus de mafia que le nom vu que leurs activités sont totalement légales. Mais tout de même. Présenter les personnages principaux comme profondément bons qui aident leur prochain et son plein de valeurs positives, alors que ce sont des mafieux bof bof. Je ne dis pas qu'ils ne peuvent pas être des héros, mais faudrait pas les faire passer pour des anges non plus. Et lier « les vrais méchants » à l'étranger directement ou indirectement, bof bof aussi surtout dans un contexte de tension entre le Japon et les autres pays d'Asie.

Conclusion:

J'ai pas trouvé Reversible man mauvais. Son univers et son esthétique m'ont plu, ses personnages sont cool (mention spéciale pour Hachi et Lucifer que je suis à CA de shipper). Mais je ne trouve pas non plus que ce soit un bon manga pour toutes les raisons expliquées plus haut. C'est divertissant, voilà.

Reversible Man de Nakatani D.

Rédigé par Nocturne

Publié dans #mangas gores

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