Ansatsu Kyoushitsu de Matsui Yûsei

Publié le 23 Décembre 2012

Ansatsu Kyoushitsu de Matsui Yûsei

Adiiiieu monsieur le professeur...

Titre: Ansatsu Kyoushitsu

Manga-ka: Matsui Yûsei

Date de publication au japon: 2012

Statut de la série: En cours

Statut de ma lecture: Terminée

Nombre de tomes parus en France: 5

Editeur: Kana

(Critique du 23/12/2012, à ce moment le manga ne comptait que 3 tomes et n'était pas disponible en France)

Les élèves de la classe E du collège Kunugigaoka ont un professeur décidément pas comme les autres : Il s'appelle Koro, est grand, jaune avec des tentacules, capable de se déplacer à la vitesse mach 20 et prévoit de détruire le monde avant la fin de l’année scolaire. Mais l’anormalité de cette classe ne s’arrête pas là, puisque la mission de ces charmantes têtes blondes est en réalité, au vu des plans de celui-ci… De tuer leur professeur avant la date fatidique. Seulement comment tuer une créature qui semble invincible, d’autant plus lorsqu’il s’agit du meilleur professeur que vous ayez jamais eu.

Ansatsu Kyoushitsu est un shonen manga de Matsui Yûsei plus connu pour son manga phare « Neuro le mange mystères » qui pour ma part ne m’attirait pas du tout. Force est de constater que, sans rien perdre de son goût de la démesure scénique, de l’humour et de l’absurde, Matsui Yûsei parvient à signer ici un bon manga, bien plus intelligent qu’il n’en a l’air.

We don't need no education !

La grande réussite de ce manga réside, dirais-je, dans le décalage assumé du manga-ka entre son thème et la façon dont il l'aborde. En effet, ce dernier joue à fond la carte de l'humour et de l'absurde: Insistant chaque chapitre un peu plus sur l'aspect hors normes de Koro sensei, sur la surenchère des différents personnages pour les tuer, et ponctuant le tout de jeux de mots. Pourtant, les thèmes abordés par le manga-ka sont loin d'être aussi légers qu'il y paraît. Puisque Ansatsu Kyoushitsu est en réalité à la fois une critique farouche d'un certain type d'éducation et un manuel sur ce que, selon le manga-ka, l'éducation devrait-être. Je ne sais pas si le système éducationnel critiqué est véritablement une caricature du système nippon actuel ou si il s'agit des angoisses de Matsui Yûsei, en tout cas, le collège de Kunugigaoka a de quoi se faire dresser les cheveux sur la tête.

Attention, rien ici de la caricature de l'école ressemblant plus à un centre pénitencier qu'autre chose où les élèves sont martyrisés par des professeurs diabolique et schizophrènes. Non, la critique est bien plus subtile. En effet, l'auteur s'en prend à une vision élitiste de l'école qui crée un mur entre les « bon » et « les mauvais élèves ». Mur métaphorique ici manifesté physiquement, puisque les élèves de la classe E sont dans un bâtiment à part. L'auteur montre également que ce classement est en vérité totalement arbitraire. Puisqu'il est expliqué à plusieurs reprises que ce ne sont pas que les élèves en difficulté scolaires qui sont mit dans cette classe, mais aussi tous les élèves qui posent problème à l'établissement d'un point de vue moral: C'est-à-dire les rebelles. Et s'il y a bien une chose que les manga nous apprennent sur l'éducation nippone c'est qu'il suffit de pas grand chose pour être considéré comme un vilain rebelle dangereux. Pour ne rien arranger la classe E n'est absolument pas pensée comme une méthode pour aider les élèves en question, mais bien comme un moyen de les confiner. Pour preuve, leurs conditions de travail sont désastreuses: bâtiments vétuste, isolement, moqueries constantes de la part des autres élèves etc.

La perversité du système que dénonce le manga-ka ne s'arrête pas là. Puisque la récompense donnée à l'élève ou aux élèves qui parviendront à tuer leur professeur est d'un million de yen. La métaphore parle d'elle même: « Vous êtes des rebuts de la société ? C'est pas grave ! Pour éviter que vous ne vous éduquiez et ne vous serviez ensuite de cette éducation comme d'une arme contre cette même société, cette dernière vous propose une somme astronomique d'argent. Et cela seulement en échange de l’annihilation pure et simple de la seule personne ayant envie de vous aider. Non vous ne serez pas plus heureux, ou moins exclus, mais au moins vous n'aurez pas envie de vous rebeller. »

Néanmoins, Matsui Yûsei ne nie pas que ce système a ses gagnants. Puisqu'à côté de ça, tous les autres élèves de l'école Kunugigaoka sont très bien traités voire même érigés sur un piédestal au point de finir par se prendre pour l'élite de la nation alors que ce n'est pas du tout le cas.

De plus cette configuration de l'école n'est absolument pas gratuite, ce système a été pensé et semble porter ses fruits. Mais je ne vous en dit pas plus puisque c'est le sujet d'un des chapitres du manga.

Ce que Matsui Yûsei dénonce sous son vernis de gags plus ou moins réussis, c'est belle et bien une politique consistant à sacrifier quelques individus pour le bonheur du plus grand nombre. Méthode dont il ne remet pas en cause l'efficacité, mais qu'il questionne pour plusieurs raison: La première est évidemment éthique, d'autant plus si l'on suppose que le système Kunugigaoka est appliqué depuis plusieurs années. Ne finit-il pas par créer un nombre de parias monstrueusement élevé, peu importe le nombre de réussite proportionnellement ? Et quand bien même, qu'y a t-il de glorieux, de satisfaisant en tant qu'individu, à réussir uniquement parce que d'autres ont échoué ? D'être doué, pour ainsi dire, par défaut. Car le manga insiste sur ce point: Les élèves de ce collège ne sont pas plus brillants qu'ailleurs, ils ont juste de meilleurs faire valoir. La seconde est d'un autre niveau: Car si l'on ne cherche pas à aller vers le mieux, c'est à dire en l'occurrence à essayer d'aider tout le monde, ne finit t'on pas par créer une société qui ne se remet jamais en question ? Une société qui se fige... Et finit immanquablement par imploser.

Heureusement il y a Koro, kooro !

Mais heureusement, il y a le pendant inverse, c'est-à-dire comment Matsui Yûsei voit l'enseignement idéale. Laquelle est représentée à elle seule par le non-homme providentiel, le messie extra-terrestre de l'éducation: Koro sensei. L'on voit bien ici la place paradoxale de cet idéal: A la fois il est surpuissant... Et à la fois il est seul et traqué aussi bien par ses élèves que par à peu près tous les êtres humains au courant de son existence.

Et quelle est cette éducation parfaite ? Et bien c'est une éducation au cas par cas, qui fait attention aux problèmes des élèves, mais sait aussi mettre en valeur leurs capacités. Une éducation qui se moque de l'apparence, du milieu social, ou du comportement d'un élève tant que cela n'affecte pas ton comportement en cours. Une éducation qui, pour résumer, n'en a rien à faire que tu te teignes les cheveux en blond du moment que tu bosses en classe. Ce qui nous apparaît comme une évidence, mais n'en est pas forcément une dans la société japonaise, telle que nous la montre le prisme déformant des manga. Ainsi, chapitres après chapitres, super-Koro, sous-couvert de les aider à le tuer, oui car c'est aussi une des raisons pour lesquelles il enseigne à cette classe, fait reprendre confiance en eux à ses élèves en leur donnant d'importantes leçons de vie.

Au fil des pages, c'est donc un message d'espoir que le manga-ka véhicule à ses jeunes lecteurs comme Koro-sensei à ses élèves.

Il est vrai que ce message est non seulement appréciable, mais même important pour le lectorat concerné, composé majoritairement de collégiens. Cependant, il faut plus que de bonnes intentions et un thème intéressant pour faire un bon manga, c'est pourquoi ce manga n'est estampillé que d'un sigle « bien »...

J'me présente, je m'appelle *placer ici le nom d'un personnage secondaire inintéressant*

Le défaut majeur d'Ansatsu Kyoushitsu est tellement commun que l'on pourrait le projeter sur presque tous les shonen manga traitant d'un groupe étendu de personnages, que ça aille d'une classe à toute une armée (coucou Tite Kubo !). Il s'agit d'une volonté confinant à l'absurde de vouloir traiter du passé de chaque personnage de façon successive. Sans doute est-ce plus simple pour que le scénario tienne la route, de ne pas tenter de développer tous les personnages en même temps. Mais avouez qu'il y a quand même quelque chose d'agaçant à ce que tous les deux ou trois chapitre l'on assiste à la présentation d'un nouveau personnage de manière franchement monotone ! Surtout lorsqu'il y a une bonne trentaine de personnes à présenter de cette manière ! On a l'impression d'assister à une interminable introduction de personnages et on se demande quand l'histoire va réellement commencer. D'autant plus que dans Ansatsu Kyoushitsu, le manga-ka présente systématiquement les personnages, particulièrement les élèves, par rapport à leur passé, sans jamais les réintroduire dans la classe. Ainsi on ne connait pas véritablement les liens entre les élèves alors que le manga pourrait devenir passionnant précisément si l'on s'y intéressait. L'on devine plus que l'on ne comprend que le fait d'être dans la classe E et d'avoir un but commun unit les élèves, mais ne pourrait on pas en savoir plus ? L'appât du gain ne devrait-il pas créer des tensions ? Qu'en est il des relations amoureuses ou des rancoeurs ? Ces thèmes ne sont que survolés dans Ansatsu Kyoushitsu, et c'est bien dommage.

Pour ne rien arranger, les personnages d'Ansatsu Kyoushitsu, les élèves du moins, se veulent plutôt réalistes dans leur physique... Parfois à la limite de la fainéantise au niveau du chara design. Si bien qu'il devient difficile de les différencier. Cela ne poserait pas de problème si nous étions dans un shonen classique avec une opposition bateau entre personnages principaux, charismatiques et très présents, et personnages secondaires, presque sans visages et invisibles. Seulement là, Matsui Yûsei veut traiter la classe E en tant qu'ensemble. Si bien que tous les personnages sont potentiellement des personnages principaux. De fait ils occupent tout le temps l'espace. Si bien qu'on en arrive à une saturation. Saturation d'histoires secondaires, de noms, de personnages.

De plus ce système de tour par tour empêche un développement, ne serait-ce que minimal, des personnages et empêche de s'y attacher. Ainsi même les personnages les plus présents, Shiota, Kayano ou le charismatique Akabane ne nous accrochent pas. On a accès qu'à leurs pensées les plus superficielles, et si ils sont les plus présents tout au long du manga, exactement comme pour les autres, leur développement ne sera que l'objet d'un chapitre ou deux. On est bien loin de l'opacité volontaire mise en place par Kaneshiro Muneyuki sur le personnage de Shun, dans Kamisama no iutoori, qui s'accompagnaient d'actions étranges qui rendait le personnage réellement énigmatique. Ici les personnages ne font rien d'intéressant, et ne pensent rien d'intéressant en dehors du chapitre qui leur est dédié.

Finalement on a l'impression que la totalité du travail sur la psyché des personnage, Matsui Yûsei l'a fait sur Koro sensei. En effet, c'est le seul personnage qui soit réellement intrigant et développé tout au long de la série. Il est paradoxal, puisqu'il dit vouloir détruire la Terre alors qu'il aide des gens. Parfois étonnamment inquiétant. Et toujours plein de surprises.

Mais si ces personnages bidimensionnels au niveau de leur traitement s'inscrivaient dans une histoire plus travaillée, ce manga resterait excellent... Malheureusement...

Au pays de Candy, comme dans tous les pays...

Comme dans beaucoup de shonen manga, sans doute est-ce d'ailleurs du à l'âge du lectorat, la vision du monde y est très manichéenne. Or Ansatsu Kyoushitsu n'échappe pas à la règle... Loin de là.

Le début du manga, pourtant, promettait son lot de tragédies. En effet, la profondeur du lien qui s'instaurait entre les élèves faisait directement échos à la menace proférée par Koro sensei ce qui créait une véritable tension dramatique où l'on avait l'impression que le manga allait tourner au vinaigre d'ici très peu de temps. De plus, ne connaissant pas encore les méthodes du professeur, l'on était jamais tout à fait sûr que Koro sensei tienne sa promesse de ne pas faire de mal aux élèves.

La désillusion est rapide et amère... Car très vite, bien que l'on avance dans l'année scolaire, et qu'en théorie la tension devrait s'accumuler, il apparaît de plus en plus clairement que ce pan du scénario n'est qu'un prétexte. L'agitation des sphères scientifiques et politiques qui cherchent à se débarrasser de Koro sensei ne sert qu'à introduire de nouveaux personnages sans intérêt. Agitation qui n'atteint d'ailleurs absolument pas la classe. Et pour cause puisque dans le monde merveilleux d'Ansatsu Kyoushitsu, le super professeur désamorce toutes les situations dangereuses avec un tel brio que même les personnages les plus fous et dangereux sont transformés en gentils chatons en un chapitre ou deux. Alors certes, c'est une façon de dire pour le manga-ka que ses personnages ne sont pas fondamentalement méchants et ont juste besoin d'un coup de main... Mais bon, en attendant, ils finissent par ne presque plus essayer de tuer leur prof alors que c'est UN PEU LE SUJET DU MANGA. Quand même.

Ca c'est pour les « gentils » de la classe E. Mais le traitement des autres élèves de l'école est à peine moins caricatural. Tous les élèves en dehors de cette classe se retrouvent soudain dépeints comme des monstres, pas un qui n'ait un comportement normal. Non seulement ce sont des ordures avec les élèves de la classe E, mais en plus de cela, ils sont détestable en dehors. Certes ce comportement est expliqué par un formatage à l'échelle de l'école, le fait qu'il n'y ait pas une seule exception fut-elle temporaire, confine à la caricature facile.

Conclusion:

Pour le moment, un shonen prometteur qui semble pas mal s'égarer. Ceci dit, nous n'en somme qu'au troisième tome et encore loin de la fin de l'année scolaire. C'est pourquoi je ne désespère pas quant à la qualité du scénario qui nous réserve sans doute encore pas mal de surprises.

Edit du 8 août 2014

En y réfléchissant, j'avais placé beaucoup trop d'espoirs dans ce manga oubliant qu'il était quand-même publié dans le Shônen Jump à savoir le magazine de shônen nekketsu le plus communs et normé de l'univers.

On parle quand-même du magazine qui a refusé de publier SnK, que voulez-vous tirer de ces gens là…

C'était donc extrêmement naïf de croire que le manga allait prendre une autre direction que celle qu'il a pris. A savoir devenir un nekketsu normé et passablement stupide. J'ai tenu environs 5 tomes, peut-être plus, avant de réaliser que non seulement le manga-ka continuait à traiter les personnages de la manière qui m'avait tant agacée dans cette critique, mais qu'en plus tout l'aspect dramatique du manga était en train de disparaitre. Finalement Ansatsu kyoushitsu n'a fait que profiter de la vague SNK en se faisant passer pour un shônen plus mature, à travers un sujet intéressant au potentiel tragique monstre, avant de retomber comme un soufflet et de devenir un énième manga sur le pouvoir de l'amour et de l'amitié. Je l'ai donc arrêté car même pour vos beaux yeux, je ne m'impose pas un manga qui m'ennuie voire m'énerve franchement. J'ai donc dégradé ce manga de "bien" à "ouais bof" et ça me semble amplement mérité.

Petit aperçu de l'aspect "Sorry... What ?" d'Ansatsu Kyoushitsu.

Petit aperçu de l'aspect "Sorry... What ?" d'Ansatsu Kyoushitsu.

Rédigé par Nocturne

Publié dans #mangas tous publiques

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Y
J'attends aussi ,que la série décolle un peu. Pour l'instant, c'est très classique, mais j'aime le travail de Matsui Yûsei, En espérant, un changement et que le but principal de l'histoire ne soit pas oublié, tué Kooro sensei. A moins qu'elle ne change de direction comme dans Neuro.<br /> Un manga a suivre.
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